Chroniques

par bruno serrou

Andromaque
tragédie lyrique d’André Grétry

Festival de Radio France et de Montpellier / Opéra-Comédie
- 13 juillet 2010
© marc ginot

Sous une chaleur tropicale, soirée d’ouverture de la vingt-cinquième édition du Festival de Radio France et Montpellier Languedoc Roussillon à Opéra-Comédie, en panne d’air conditionné, pour un classique français sur instruments anciens. Le résultat : une salle bondée, suffocante mais enthousiaste, devant l’ouvrage inconnu d’un compositeur encore discret, André-Ernest-Modeste Grétry (1741-1813), musicien français célébré soudain un peu partout cette année. Mais au lieu d’être présentée en version concertante, comme à l’accoutumée dans ce festival, l’œuvre est mise en scène et scénographiée, ce qui est beaucoup plus rare.

Créée à l’Académie royale de musique de Paris le 6 juin 1780, cette tragédie lyrique en trois actes est fidèlement tirée par Louis-Guillaume Pitra (1735-1818) de la pièce éponyme de Jean Racine, écrite en 1667. Le livret est dynamique, progressant frénétiquement, l’écriture versifiée d’une justesse de ton qui donne aux personnages une authenticité humaine, une grandeur inaccoutumée dans l’opéra de cette période, concentrant en deux heures ce qui aurait pu inspirer à un Händel trois opéras de trois heures et demie chacun. Omniprésents, les chœurs qui entourent les quatre personnages commentent et participent à l’action, à la façon de la tragédie antique grecque, et instillent à l’ouvrage un caractère monumental dans l’esprit des opéras de Gluck.

Loin de ses opéras comiques au charme désuet, et faisant sien le langage de Gluck, Grétry imbrique airs, ensemble et chœurs en une continuité révolutionnaire pour l’époque, annonciatrice des opéras de Spontini et de Berlioz. Au point que, lors de sa création, les audaces d’Andromaque suscitèrent les foudres de la critique, après avoir essuyé la vindicte des Comédiens français qui en firent interrompre les répétitions en mai 1778, prétextant que la tragédie de Racine appartenait au répertoire de leur institution qui, de ce fait, en était le propriétaire.

Dans une scénographie crépusculaire en forme de cercle de Jean-Pierre Vergier symbolisant l’enfermement psychologique des personnages, au centre de laquelle est plantée une couche monumentale, la mise en scène de Georges Lavaudant est d’une austérité aux contours funèbres qui magnifie la violence de la tragédie. La direction un peu monolithique d’Hervé Niquet gomme le nuancier de cette musique pourtant expressive, ce qui est regrettable tant, dans la fosse, Le Concert Spirituel et le Chœur de la SWR Stuttgart excellent. Judith van Wanroij est une Andromaque remarquable, et l’Oreste de Tassis Christoyannis est impressionnant. En revanche, l’Hermione de Maria Riccarda Wesseling et le Pyrrhus de Sébastien Guèze déçoivent, sans doute vocalement déstabilisés par l’excessive chaleur régnant ici.

BS